Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 mars 2010 7 28 /03 /mars /2010 13:07

 

Jean-Léon Beauvois, chercheur en psychologie sociale, a été l’un des maîtres d’œuvre scientifiques de l’adaptation de l’expérience de Milgram pour Le Jeu de la mort.

 


Que disent sur l’homme l’expérience de Milgram et sa transposition dans Le Jeu de la mort?

Qu’il faut éliminer deux idées. D’abord, que les gens sont sadiques, c’est-à-dire qu’on peut expliquer le mal qu’ils font à autrui par leur personnalité, car ils s’abstientelevision46176wv_1199125542.jpgnent lorsqu’ils n’ont plus de donneur d’ordres sur le dos. Ensuite, que les gens naissent obéissants. En effet, dès lors que l’autorité n’est plus consistante, ils n’obéissent plus.


Pourquoi est-on obéissantou désobéissant?

Il existe des situations dans lesquelles les gens sont amenés à une obéissance extrême. Ça ne rime donc à rien de fantasmer sur ce que sont les désobéissants; certains pourraient aussi bien obéir le lendemain. L’expérience Milgram et la nôtre démontrent que des gens normaux peuvent faire des choses immondes dans des situations particulières.
 

Le plateau télé ne fausse-t-il pas l’expérience?
Ça fait partie du dispositif. Lorsque les gens obéissent, ils s’appuient sur des modèles, cela fait partie du principe d’obéissance. Nous, psychologues sociaux, sommes convaincus que la plupart des choses que font les gens se font sur un registre qui n’est pas celui de la conscience. Si les gens vous disent, voilà pourquoi j’ai obéi ou désobéi, c’est une rationalisation de leur comportement.


La télé semble, avec ce Jeu de la mort, détenir une autorité supérieure à celle de la science?

Nous savons depuis au moins soixante ans que la télé a de l’influence. Ce que l’on ignorait, c’était qu’elle puisse doter ses agents d’un pouvoir prescriptif. D’où sort ce pouvoir? La télé est en vous, dans les fibres sociales. Dans la télé-réalité, ce qui devrait être considéré comme de l’irréel devient de la matière à vivre. Il ne s’agit plus de légitimité, mais d’un autre processus dans lequel les gens acquièrent une potentialité d’obéissance. Ils sont dans une sorte d’allégeance.


Qui les empêcherait d’exercer leur libre arbitre?

Je préfère parler de l’illusion de liberté. La déclaration de liberté, quand on dit aux "sujets" qu’ils sont libres d’envoyer ou non des décharges, n’affecte pas les comportements. Par contre, elle introduit deux processus qui justifient l’acte: la rationalisation – "j’ai bien fait de faire ce que j’ai fait"– et l’internalisation, le pire – "c’est dans ma nature de le faire". Cette illusion de liberté prédispose à l’obéissance. Et la notion de liberté est certainement la valeur la plus marchande à la télé.

Source :

Jean-Luc Bertet - Le Journal du Dimanche

Samedi 13 Mars 2010

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de enfants-ecrans.over-blog.com
  • : Les enfants sont devenus « des médias consommateurs » qui passent d’un écran à un autre avec une facilité déconcertante (télévision, internet, console, portable…). Une éducation aux médias audiovisuels devient donc une obligation pour permettre de donner aux enfants les armes critiques pour se protéger dans ce monde fantasmagorique du "tout écran".
  • Contact

Flux RSS - Le Monde

Recherche