L'école Saint-Martin, dans le quartier des Sablons, lance un sacré défi. Dix jours sans télé, ordinateurou console de jeux. En classe bien sûr, mais surtout à la maison !
Halte à la dépendance
Jusqu'ici, seule une poignée d'écoles alsaciennes a relevé le défi, en 2008. Comme Jérôme Gaillard, elles se sont inspirées d'Edupax, une association québécoise qui organise ces journées sans écran depuis 6 ans afin de réduire la consommation de télé et de vidéo. « J'en ai parlé à l'équipe pédagogique et tout le monde a dit oui. Le but n'est pas de démontrer que la télé est mauvaise, mais de prendre conscience de la dépendance qui peut s'installer. Et de redécouvrir des choses que l'on peut faire à la place de rester derrière un écran. »
Face à la quarantaine de parents présents, Jérôme Gaillard déroule des arguments choc. Comme cette étude américaine qui montre qu'entre 1981 et 1997, le temps moyen passé à vraiment converser entre parents et enfants est tombé de 1 h 12 à 34 minutes par semaine. Ou cette autre qui montre que limiter la consommation d'écran des enfants entraîne une baisse des violences verbales et physiques, ainsi que l'obésité.
À l'école Saint-Martin, 80 % des enfants regardent la télé le matin, avant d'aller en classe. « Nous, on a essayé d'arrêter, raconte un autre papa. On a tenu trois jours, et puis... » Comme les enfants, les parents sont conscients de l'intérêt du défi tout en doutant de leur capacité à tenir le choc. Jérôme Gaillard rassure : « Au départ, vos enfants n'étaient pas très partants. Mais, quand on leur a expliqué toutes les activités qu'on pourrait mettre en place au lieu de regarder la télé, ils étaient pour à 90 % ! »
Avant la coupe du monde de foot
Car il ne suffit pas de décréter « 10 jours sans écran » à l'école et à la maison. Encore faut-il proposer aux enfants des activités pour meubler les fins de journée, et surtout les deux mercredis et le week-end du défi. L'école restera donc ouverte, aux élèves et à leur famille. La date du défi n'a d'ailleurs pas été choisie au hasard : aux beaux jours et... avant la coupe du monde de foot !
Jérôme Gaillard a multiplié les courriers aux associations du quartier et lance un appel (1) à tous ceux susceptibles d'aider l'école à mettre sur pied des activités. Une soirée « jeux de société » est déjà dans les tuyaux. Un garçon d'une vingtaine d'années a promis des animations basket. Mais, bien entendu, ce sont d'abord les parents qui sont invités à accompagner leurs enfants. Hier soir, une maman qui travaille chez un pépiniériste, a déjà proposé une animation autour des plantes.
« Et les parents, ils pourront aussi compter leurs points ? », interroge un troisième papa rigolard. Les points ? Chaque élève en marquera un, pour chaque période de la journée (matin, midi, goûter, fin de journée, soirée) où il n'aura pas regardé un écran. Une manière d'évaluer la participation sans exclure ceux qui auront du mal à résister. L'autre jour, un garçon est venu voir Jerôme Gaillard. Inquiet, il voulait s'assurer qu'il marquerait bien un point s'il évitait la télé mais que ses parents la regardaient quand même...
Patrick ANGEVIN - Ouest France - 10 février 2010